L’Observateur des marchés janvier 2025

Mettre le paquet

L’envolée des actifs à risque en 2023 s’est perpétuée en 2024 : l’enthousiasme pour le risque n’a pas tari. Les investisseurs ont fait la chasse aux rendements, coûte que coûte. Les investisseurs patients ou réticents se sont fait devancer par ceux qui ont tout simplement suivi l’élan du marché. La frénésie d’achat, voire l’euphorie, est intervenue dans la foulée de l’assouplissement monétaire des banques centrales, suivi par la victoire électorale du futur président, M. Trump.

L’effet Trump : l’ascension…

Les achats d’actions et de titres de créance de sociétés ont continué de plus belle, à des prix très élevés par rapport au passé. Aux États-Unis, l’indice guindé faisant figure de vieille garde, le Dow Jones, a enregistré une maigre progression de 12,9 % pour 2024. En comparaison, les rêves (ou hallucinations?) suscités par l’IA ont propulsé l’indice S&P 500 de 23,3 % et le NASDAQ, à forte composante technologique, de 28,6 %. Le S&P 500 a battu son record personnel sur deux ans depuis 1997-1998. Et chacun se demande si cette performance fulgurante est tenable.

Le nouveau président américain, M. Trump, semble avoir recueilli l’assentiment du marché boursier. De par son soutien à M. Trump, la fortune a souri à Elon Musk tant sur le plan financier que de sa destinée, puisqu’il a retrouvé son titre de personne la plus riche du monde. De janvier à la fin du mois d’avril 2024, l’action Tesla battait de l’aile (-43 %). C’est alors que le nouveau Premier pote a tout misé sur M. Trump. Dans la foulée, le titre a augmenté de 188 %. Il a enregistré un rendement de 60 % depuis la victoire de M. Trump à l’élection présidentielle. Manifestement, cet engouement des investisseurs semble traduire qu’en susurrant des mots doux à M. Trump, Tesla et M. Musk auront le vent en poupe.

En ce qui concerne les obligations, c’est une autre histoire. L’indice des obligations d’État de Bloomberg a terminé l’année en faiblesse (maigre rendement de 0,6 %); les revenus d’intérêts ont à peine compensé la moins-value des obligations provenant de la hausse des rendements. Les obligations du Trésor à long terme ont baissé de 6,4 % à la suite de la hausse des rendements au cours de l’année. Quoi qu’il en soit, les obligations du Trésor à court terme ont enregistré un taux acceptable (5,3 %) du fait de la diminution de leurs rendements provoquée par l’assouplissement de la Réserve fédérale (Fed). Ce sont les titres de créance et les obligations de sociétés qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu sur le marché des titres à revenu fixe; de fait, les primes de risque se sont réduites et les écarts de taux, fortement resserrés. L’indice Bloomberg Corporate Bond, sensible aux taux d’intérêt, a enregistré un rendement de 2,1 %. Pour sa part, l’indice Bloomberg U.S. Corporate High Yield, à plus court terme et beaucoup plus axé sur les actifs à risque, a progressé de 8,2 %.

L’effet Trump : … et la chute?

Les marchés financiers ont donc pris leur envol, toujours plus haut… sauf pour les obligations d’État. L’élection de M. Trump et les politiques qu’il a annoncées ont accentué les inquiétudes concernant l’ampleur des déficits publics et la vigueur persistante de l’économie américaine, qui maintiendrait l’inflation « plus longtemps à un niveau plus élevé ». Comme le montre le graphique ci-dessous des rendements des bons du Trésor américain à long terme en 2024, M. Trump ne suscite pas autant l’enthousiasme sur le marché obligataire qu’à la bourse.

Les rendements à long terme ont légèrement franchi le seuil de 4 % à la fin de l’année 2023, pour culminer à 4,8 % en mai, en raison des faibles perspectives de réélection de Joe Biden. Au retrait de M. Biden le 21 juillet, les rendements ont commencé à chuter et ensuite plongé à moins de 4 % aux premiers signes de chances de victoire de Mme Harris. À mesure que le scrutin approchait et que les perspectives de victoire de Mme Harris s’estompaient, les rendements sont remontés tout en culminant à 4,6 % juste après la victoire de M. Trump. Ils ont chuté dans la vague d’optimisme qui a suivi les élections, tout en repartant toutefois rapidement à la hausse pour atteindre le taux actuel de 4,8 %, retrouvant les sommets du début de l’année 2024.

Et tu, Brute?

L’enthousiasme des marchés financiers va-t-il perdurer? La maxime du marché « Ne vous battez pas contre la Fed » semble ici d’application. Selon nous, la création colossale d’argent par les banques centrales durant leur hystérie de la COVID‑19 continue d’inonder les marchés d’investissement. Certes, la forte augmentation de la masse monétaire M2 par les banques centrales mondiales a pansé la douleur économique causée par la pandémie de la COVID‑19. Elle a néanmoins créé une masse monétaire excédentaire. Le graphique ci-dessous, présenté dans les numéros précédents, montre l’augmentation de l’agrégat M2 aux États-Unis et au Canada depuis le début de la pandémie. Cette hausse, inédite dans les deux pays, excédait largement l’appui nécessaire à l’activité économique réelle. Comme le dirait un monétariste, l’inflation nécessite une expansion de la masse monétaire, supérieure à celle dont a besoin l’économie réelle. Ce principe s’applique à l’inflation des prix à la consommation et, peut-être même à celle des prix des actifs.

Dans le graphique ci-dessus, nous avons représenté le taux de croissance de la masse monétaire M2 au Canada et aux États-Unis de décembre 2014 à aujourd’hui. La masse monétaire M2 a augmenté de 6,4 % au Canada, et de 5,4 % aux États-Unis en rythme annuel jusqu’à ce que les mesures de stimulation monétaire liées à la pandémie commencent en avril 2020. Au Canada, l’agrégat M2 est alors passé de 2,2 à 2,8 billions de dollars, une augmentation de 27 % en moins d’un an. Son modèle de croissance s’est ensuite normalisé. Aux États-Unis, la croissance de l’agrégat M2 a été plus prononcée : 16 à 22 billions de dollars en un peu plus d’un an, soit une augmentation de 40 %, aussi bien supérieure au taux de croissance avant la pandémie. Les gouvernements canadien et américain ont ainsi disposé de l’argent nécessaire pour stimuler leurs économies grâce au produit des obligations qu’ils ont émises. L’argent a également permis de pallier le gonflement des prix des biens et des services, comme on s’en est vite rendu compte.

Leçon de politique monétaire en image

Ce graphique permet d’expliquer clairement la mise en œuvre de la politique monétaire. La Banque du Canada a donné des tours de vis plus musclés à son taux directeur, mais a cessé ses augmentations et procédé à des réductions plus tôt que la Fed. C’est ce qui ressort de l’agrégat canadien M2; celui-ci a atteint un sommet et a maintenant presque retrouvé son taux de croissance avant la pandémie, à mesure que la Banque du Canada a poursuivi l’expansion de la masse monétaire. Aux États-Unis, la Fed n’a pas assoupli ses taux de manière aussi dynamique et a même réduit l’agrégat M2 de 21,9 à 20,9 billions de dollars pour maintenir les taux d’intérêt à un niveau élevé. Le graphique montre la différence majeure entre les taux de croissance. L’agrégat M2 canadien a continué de croître afin de maintenir puis réduire les taux d’intérêt. L’agrégat M2 américain s’est en fait contracté avant de reprendre un modèle de croissance plus normal. Il a augmenté de 600 milliards de dollars et a maintenant retrouvé un taux de croissance similaire à celui avant la pandémie. Ce faisant, la Fed a pu abaisser les taux d’intérêt. Comme le montre le graphique, l’agrégat M2 canadien dépasse d’environ 191 milliards de dollars le taux de croissance qu’il aurait atteint avant la pandémie, et l’agrégat M2 américain dépasse le sien d’environ 1,5 billion de dollars.

Nous pensons que l’euphorie actuelle des actifs à risque aux États-Unis et sur d’autres marchés financiers reflète cette augmentation colossale de la masse monétaire M2 aux États-Unis, au Canada et dans d’autres pays. Toute cette création d’argent devait bien s’écouler quelque part. Les consommateurs ordinaires ont dépensé une grande partie de l’augmentation supplémentaire de l’agrégat M2 qu’ils ont reçue sous forme de paiements de mesures de soutien et d’augmentations de salaire pour compenser le renchérissement de leurs biens et services. C’est ce qui ressort de l’IPC américain qui a augmenté de 22,8 % depuis le 31 décembre 2019. D’autres investisseurs plus prospères disposant de plus d’argent qu’il en est nécessaire pour vivre ont placét cet excédent sur les marchés financiers. Leur réussite financière évidente suscite l’envie et multiplie les investissements : les marchés attirent d’autres personnes, et l’effet de levier amplifie la tendance à la hausse.

On spécule sur les bulles

Sommes-nous plongés dans une « bulle spéculative » tristement célèbre? Nul ne le saura vraiment avant la fin… Toujours est-il qu’une condition préalable à une bulle financière est une expansion substantielle de la masse monétaire… ce qui est bel et bien le cas. Les banquiers centraux recourent à l’« assouplissement monétaire » pour améliorer l’économie, et c’est ce qu’ils font actuellement. Dans la conception économique traditionnelle, l’assouplissement de la politique monétaire augmente la masse monétaire, ce qui accroît l’argent en circulation et fait ainsi baisser les taux d’intérêt, le prix de l’argent. Qui dit plus d’argent… dit des taux d’intérêt plus bas. Mais qui dit plus d’argent peut aussi dire plus d’inflation; la Fed vient d’en tirer sa leçon. Vous souvenez-vous de l’« inflation transitoire »? Le déficit actif du gouvernement augmente et doit également être financé par une augmentation de la masse monétaire, faute de quoi la demande du secteur public « évincera » les capitaux du secteur privé et augmentera les rendements obligataires.

Les péchés du passé

À moins de nous trouver dans un moment très rare où « cette fois, c’est la bonne », cela signifie que les économies ayant une politique monétaire et fiscale souple rouleront probablement plus chaudesque prévu, peut-être avec une inflation plus élevée. Si vous êtes de ceux à penser qu’une récession abaisserait l’inflation et les taux d’intérêt, n’oubliez pas les épisodes fréquents de récession en période d’inflation élevée des années 1970 à 1990. Une récession se définit comme « une croissance réelle négative ». On peut y aboutir lorsque l’inflation dépasse la croissance nominale. Ainsi, une inflation de 4 % et une croissance économique nominale de 3 % donnent une croissance réelle de -1 %… bref, une récession. Aujourd’hui, il est difficile de trouver un économiste ou un stratège des marchés qui pense qu’un regain de l’inflation soit possible. On s’accorde généralement à reconnaître que l’augmentation des taux d’intérêt et le resserrement de la politique monétaire ont éradiqué à jamais la forte inflation que nous venons de connaître. C’était également le cas au milieu des années 1970 : à l’époque, les économistes étaient d’accord sur le fait que l’inflation et la politique monétaire allaient « revenir à la normale » après une baisse de l’inflation pendant deux ans. L’assouplissement monétaire impliquait une reprise de l’inflation, et l’inflation et la politique monétaire « normales » n’ont pas duré très longtemps.

Un étrange sentiment de déjà vu

Le graphique ci-dessus illustre l’IPC américain en dressant la comparaison entre les années de 1971 à 1983 (ligne bleue) et la période actuelle depuis 2019 (ligne rouge). Dans les années 1970, l’IPC américain est passé de 3,6 % au début de 1973 à plus de 12 % en 1974. À l’époque, l’assouplissement monétaire visant à lutter contre l’embargo arabe sur le pétrole avait alimenté la hausse de l’inflation. Les prédécesseurs monétaires de la Fed pensaient avoir maîtrisé l’inflation qui était passée d’un peu moins de 12 % en 1975 à 5 % d’ici la fin de l’année 1976. Le passé n’est pas nécessairement garant de l’avenir. Toujours est-il que l’assouplissement qui s’en est suivi a rapidement fait grimper l’inflation à plus de 14 % avant que la Réserve fédérale, dirigée par Paul Volcker ne la maîtrise en relevant les taux d’intérêt à plus de 19 %. Les choses aujourd’hui ne sont pas si différentes. L’IPC américain est passé de plus de 8 % à moins de 3 %… Quel étrange sentiment de déjà vu! À l’heure actuelle, le marché obligataire baigne dans un optimisme similaire faisant croire que l’on reviendra bientôt à un IPC de 2 %. Or, qui dit vraiment que ce sera le cas?

Le « roi de la dette » retrouve son trône

Les États-Unis ont maintenant une nouvelle administration présidentielle dirigée par Donald Trump. Celle-ci a fait une double promesse : réduire les impôts et le déficit tout en maintenant les dépenses. Lors de son premier mandat, M. Trump a enregistré des déficits record en temps de paix, avant même que la pandémie ne le rende encore plus dépensier. M. Trump s’est autoproclamé « roi de la dette ». Il cherche à compliquer la tâche du Trésor américain : vendre sa dette. Depuis M. Nixon, M. Trump est également le premier président à avoir harangué la Réserve fédérale pour qu’elle abaisse les taux d’intérêt sans raison particulière.

Tous les hommes politiques font des promesses qu’ils ne tiennent pas. L’art de la vente chez M. Trump a toutefois atteint un tout nouvel ordre de grandeur lors de la dernière élection. Des analystes budgétaires impartiaux estiment que les promesses du nouveau président, M. Trump, à savoir le maintien de ses réductions d’impôts, la suppression des impôts sur la sécurité sociale, les heures supplémentaires et les pourboires, ainsi que les dépenses promises, pourraient gonfler le déficit des États-Unis d’un montant pouvant atteindre 15 billions de dollars au cours des dix prochaines années. En tenant compte du fait que le déficit américain pour l’exercice 2024 se terminant le 30 septembre s’élevait à 1,8 billion de dollars, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2023, les projets annoncés par M. Trump pourraient quasiment doubler le déficit annuel.

Beaux tarifs et hyperbole à profusion

M. Trump a promis de remplacer les manques à gagner fiscaux par de « beaux tarifs » à l’importation. Encore faut-il savoir qui en fera les frais. Si les entreprises qui vendent des marchandises aux États-Unis augmentent leurs prix pour couvrir les coûts liés aux droits de douane et que les concurrents nationaux leur emboîtent le pas, l’inflation pourra repartir en flèche. M. Trump a également promis de réduire les programmes gouvernementaux pour compenser le manque à gagner fiscal. Voilà qui nuirait probablement à de nombreux électeurs à faibles revenus qui ont voté pour lui et trahirait sa promesse d’améliorer leur vie.

Qu’adviendra-t-il une fois que les promesses et les projets de M. Trump se heurteront à la réalité économique? Le programme de M. Trump contient tellement de vent qu’il est difficile de prédire quoi que ce soit. À quoi bon, donc. Nul ne sait vraiment, ni même M. Trump et sa future administration. M. Trump tient sa victoire à des promesses faites à de nombreux groupes différents, très souvent conflictuels et à contre-courant. Ses promesses se résument à l’idée de « rendre sa grandeur aux choses ». Voilà de quoi appâter les électeurs. Toujours est-il qu’il y a un monde de différence entre la réalité et la rhétorique politique.

Illusions politiques

Les professionnels de Wall Street et les hommes d’affaires s’accordent pour dire que M. Trump ne concrétisera pas ses idées et ses politiques les plus radicales. Nous sommes toutefois d’avis qu’ils se font des illusions. Les beaux parleurs de la finance sont en émoi à l’idée d’une prolongation des réductions d’impôts de M. Trump, d’une baisse des taux d’imposition des sociétés, d’une légitimation des cryptomonnaies et d’une déréglementation financière. L’imposition de droits de douane au Mexique, au Canada et à la Chine est considérée comme du baratin commercial ou une promesse de politicien difficilement tenable. Les alliés restent seulement alliés tant qu’ils ont des intérêts communs. Nombreuses seront donc les personnes au sein de la coalition « Rendre sa grandeur à l’Amérique » (MAGA) de M. Trump qui déchanteront fortement.

Les nombreux Américains qui ont voté pour M. Trump l’ont fait pour des raisons très différentes. L’imposition d’énormes tarifs douaniers sur les produits chinois et la suppression des subventions destinées aux véhicules électriques ne correspondent pas du tout aux desiderata d’Elon Musk et de Tesla. Or, c’était et cela reste la pierre angulaire du slogan MAGA. Le débat sur les visas des immigrants hautement qualifiés montre déjà les divergences entre le bastion du slogan MAGA et les milliardaires du secteur de la technologie qui ont soutenu financièrement M. Trump lors du scrutin. La réplique de Vivek Ramaswamy, selon laquelle la société américaine accorde plus d’importance au sport qu’aux compétences techniques et qu’il faut donc faire venir des étrangers plus intelligents, ne constitue pas une excellente stratégie de marketing pour MAGA. Laisser entendre que les Américains et leurs enfants sont des ratés ne va pas rallier à la cause l’ouvrier syndiqué de l’Ohio qui voulait retrouver la grandeur en votant pour M. Trump. Au sein du ministère de l’Efficience gouvernementale, (DOGE), MM. Ramaswamy et Musk s’attaquent à des programmes très à cœur des électeurs de M. Trump. Qui ou quoi ressortira gagnant? La vraie question est la suivante : Quelles politiques et promesses seront réellement mises en œuvre et quand?

« Liztoire » se répète

Nous pensons que la réponse dépendra de la manière dont les marchés financiers américains réagissent à ses projets, en particulier le marché des bons du Trésor américain. Comme l’a constaté l’ancienne première ministre britannique, Liz Truss, qui a eu le mandat le plus court de l’histoire britannique, on peut très bien ébaucher du haut de sa tour d’ivoire des raisonnements conservateurs sur le cours supposé des choses… Par contre, lorsque les investisseurs en chair et en os se rebellent contre vos plans et vendent vos obligations, le vent tourne rapidement. Mme Truss a été mise à la porte, et les conservateurs en déroute ont perdu face aux travaillistes lors des élections qui ont suivi. Keir Starmer (Parti travailliste), est devenu Premier ministre, quoique l’un des moins populaires tout récemment.

Le culte de la richesse

Donald Trump est tristement connu pour son désintérêt politique. Il s’accroche toutefois aux performances du marché boursier et voue un culte à la richesse. Si le marché obligataire ou boursier commence à pâtir d’une politique, nous pensons qu’il changera de cap sans crier gare. On sait qu’il peut se débarrasser de ses proches conseillers. Il exige la loyauté, mais n’hésite aucunement à balayer quiconque n’étant pas d’accord avec lui ou lui mettant des bâtons dans les roues. La Réserve fédérale aura du fil à retordre pour mettre en œuvre une politique avisée face aux exhortations stridentes de M. Trump de réduire les taux. Le fait d’avoir plus d’argent séduit toujours plus que moins d’argent. Le problème est toutefois le suivant : un grand nombre de personnes qui ont voté pour M. Trump l’ont fait parce qu’elles détestent l’érosion de leurs finances par l’inflation. La Fed a déjà ressenti le fléau d’une inflation plus élevée. Nous doutons toutefois qu’un autre Paul Volcker se présente pour maîtriser un nouvel épisode d’inflation lorsque le mandat de M. Powell s’achèvera en 2026. L’« avance à tâtons » de la Fed pourrait entraîner une relance de l’inflation et une nouvelle augmentation des taux d’intérêt.

Comme la Chine l’a découvert avec l’effondrement de son secteur immobilier résidentiel, une politique monétaire laxiste gonfle également le prix des actifs non financiers. La Fed a déçu de nombreux acteurs des marchés financiers en ne réduisant pas d’emblée les taux d’intérêt à zéro. Après la récente période d’inflation, nous sommes d’avis qu’aucune banque centrale, sauf peut-être celle du Venezuela, de la Turquie ou du Zimbabwe, ne tentera à nouveau de politique de taux d’intérêt zéro. En d’autres termes, à mesure que les mesures de stimulation monétaire liées à la pandémie se termineront, l’appréciation des prix des actifs financiers et autres pourrait ralentir.

Les longs adieux de M. Trudeau

En ce qui concerne le Canada, le tableau est encore moins clair. Mettons de côté le drame politique des « longs adieux » de Justin Trudeau, notre dépendance économique à l’égard du secteur immobilier ou l’impact d’une dépréciation du dollar canadien sur l’inflation. Les menaces d’imposition de tarifs douaniers de M. Trump sonnent le glas de l’économie canadienne. Certains Canadiens n’hésitent pas à considérer les menaces tarifaires comme des fanfaronnades. Il n’en reste pas moins que les acolytes de M. Trump affirment que ce dernier est convaincu de l’excellence d’une telle politique économique.

Les républicains du mouvement MAGA de M. Trump ne sont pas les partisans du libre-échange de Ronald Reagan. Ils ont plus de points communs avec les mercantilistes qui ont établi les politiques tarifaires dans le cadre de la loi américaine Tariff Act of 1890 de William McKinley, comme le souligne fréquemment M. Trump lui-même. Peu importe que ces mesures aient été fortement inflationnistes ou que M. Trump comprenne ou non vraiment ce qu’il veut faire. En cas de guerre commerciale avec les États-Unis, le Canada en sortirait inévitablement perdant. Les exportations américaines vers le Canada sont bien moins importantes pour l’économie américaine que les exportations canadiennes vers les États-Unis ne le sont pour notre économie. L’imposition d’une taxe à l’exportation de l’énergie canadienne vers les États-Unis, comme l’ont suggérée certains commentateurs canadiens, ne serait pas populaire auprès des provinces canadiennes productrices d’énergie. Elle constituerait par ailleurs une provocation majeure pour le président Trump, qui aime avoir l’image d’un gagnant. La meilleure chose à faire pour le Canada est probablement de nuire de manière sélective aux industries américaines et aux principaux électeurs dans leur porte-monnaie et d’essayer de survivre au chaos provoqué par les tarifs douaniers.

Retour au chaos Trump

Il faudra donc attendre de voir ce qui se passera lorsque la nouvelle administration Trump tentera de concrétiser ses convictions et ses politiques. La période ne sera pas de tout repos. Il semble que M. Trump pense devoir diriger son administration comme son ancienne émission de télé-réalité, « The Apprentice ». Les factions rivalisent pour gagner son attention et ses faveurs et tentent de se surpasser les unes les autres pour « gagner ». Les perdants doivent s’abstenir. Il se réserve le soin de façonner ses « opposants » ou de les rejeter. Le résultat garanti? Le chaos et l’inattendu balayeront toute tentative de prévision. Certes, le drame qu’a suscité la simple réélection d’un président de la Chambre des représentants suggère que le mandat électoral massif revendiqué par M. Trump n’est peut-être pas si solide que cela.

Un risque plus élevé ne va pas toujours de pair avec un rendement plus élevé

Au lieu de nous escrimer à prédire l’économie et la politique, concentrons-nous sur les valorisations : celles-ci semblent rester parfaites dans notre contexte actuel où tout semble partir en vrille. L’incertitude augmente les taux d’actualisation et abaisse les prix. La tendance actuelle en matière d’investissement est d’accroître les risques en contrepartie de rendements alléchants. Nous faisons donc très attention aux sous de nos clients. Hormis certaines de nos situations spéciales, nous pensons que le risque est actuellement sous-évalué compte tenu de la frénésie actuelle des marchés financiers et des nombreux inconvénients potentiels que nous percevons. Nous investissons, quoiqu’en redoublant de prudence, en nous concentrant sur des produits présentant de meilleurs paramètres d’évaluation et en évitant les risques élevés. Si nous ne comprenons pas un risque ou que nous ne sommes pas rémunérés en contrepartie, nous préférons attendre de meilleures occasions.

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